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29.10.2025

D’une pénurie d’enseignantes et d’enseignants à un surplus?

Depuis plusieurs années maintenant, l’enseignement obligatoire est marqué par une pénurie de personnel enseignant. Comme le montre l’Office fédéral de la statistique dans ses derniers scénarios, l’offre de nouveaux enseignants et enseignantes pourrait pourtant largement couvrir les besoins à partir de 2032, ceci pour autant que les hypothèses et modèles utilisés soient corrects.

Auteurs

Auteurs: Michel Rohrbach (à gauche) et Alexander Gerlings (à droite), Codirecteurs du Centre IDES

Le siècle dernier a montré que l’offre et la demande sur le marché du travail du personnel enseignant suivent des cycles1. Une phase de pénurie a toujours été suivie d’une phase de chômage accru dans ce domaine. Au début des années 2000, une nouvelle pénurie s’est dessinée et a fait l’objet de débats sur la politique éducative. Il est alors apparu que, en raison de l’insuffisance des données sur l’évolution des effectifs scolaires et des effectifs enseignants, il était difficile de prévoir de manière fiable l’équilibre entre l’offre et la demande de personnel. Les bases nécessaires pour prendre des mesures anticycliques qui paraissaient de rigueur manquaient cruellement.

Rétrospective: en 2004, la CDIP prend des mesures correctives avec un plan d’action

À la demande de l’ancienne Task force «Profession enseignante» de la CDIP, le Centre d’information et de documentation IDES de la CDIP a donc mené chaque année, de 2001 à 2006, une enquête sur la situation de l’emploi dans les cantons. Bien que peu de difficultés aient été signalées au niveau primaire durant cette période, la situation était tendue aux niveaux secondaire I et II, dans le domaine de la pédagogie spécialisée et dans certaines matières (par exemple sciences naturelles et mathématiques). Dès lors, la CDIP a décidé d’adopter, en 2004, un plan d’action assorti de mesures concrètes pour le niveau national prévoyant des mesures destinées à compléter celles prises par les cantons et touchant au recrutement, à la formation dans les hautes écoles pédagogiques, à la mobilité professionnelle dans l’ensemble de la Suisse et aux perspectives professionnelles. Il est piquant de constater qu’à l’époque déjà, on faisait le lien entre la pénurie de personnel et l’hétérogénéité des classes, les problèmes pour maintenir la discipline en classe et la tendance au travail à temps partiel.

Comme nous le savons aujourd’hui, la pénurie de personnel enseignant s’est avérée être un défi persistant durant toutes ces dernières années. Malgré les nombreuses mesures prises, qui concernaient pratiquement tous les facteurs influençables par la politique éducative, les forces démographiques liées à l’augmentation des effectifs scolaires et aux départs à la retraite n’ont pu être compensées que partiellement.

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Prospective: des scénarios et une chute des naissances

Selon les derniers scénarios pour l’école obligatoire, l’Office fédéral de la statistique arrive à la conclusion que l’écart entre l’offre et la demande d’enseignantes et enseignants va progressivement se réduire au cours des prochaines années et que, à partir de 2032, l’offre de nouvelles personnes qualifiées pour enseigner au primaire devrait, selon le scénario de référence, couvrir les besoins du niveau primaire dans presque toutes les régions de Suisse. Malgré toute la complexité du marché du travail dans le secteur scolaire, cette évolution s’explique principalement par la forte baisse du nombre de naissances observée en Suisse depuis 2022. Cette inflexion entraînera dans quelques années une diminution des effectifs scolaires et, à moyen terme, une réduction des besoins en personnel enseignant. 

Plus de connaissances, moins de fluctuations? Entre puissance des données et «cycle du porc»

Contrairement à autrefois, la Suisse dispose aujourd’hui de données longitudinales détaillées qui permettent de mettre en évidence les tendances du futur équilibre entre l’offre et la demande en personnel enseignant à l’aide d’un modèle de microsimulation dynamique.

La question reste toutefois de savoir si, compte tenu de cette évolution, il sera possible à l’avenir d’empêcher ou d’atténuer le passage cyclique de la pénurie à l’abondance. Dans les pays germanophones du moins, le marché du travail du personnel enseignant est souvent associé au terme de «cycle du porc». Ce terme ne vise pas du tout à déprécier les enseignantes et enseignants! Il s’est imposé parce que l’économiste Arthur Hanau a décrit ce phénomène en 1927 en se basant sur l’évolution historique des prix des porcs : en cas de pénurie, le prix augmente, tout comme les investissements dans l’élevage porcin. Cela conduit alors, avec un certain décalage, à une offre excédentaire, à une baisse des prix et à une diminution des investissements, ce qui entraîne à nouveau une offre insuffisante.

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Le problème de la comparaison est évident : le nombre optimal de personnes formées au métier d’enseignant ou d’enseignante ne peut être contrôlé que dans une certaine mesure en fonction des besoins. L’attractivité de la profession enseignante est sans aucun doute liée au fait que cette activité «fait sens», à la réputation sociale et aux conditions de travail, mais des facteurs économiques jouent également un rôle. Si le marché du travail pour le personnel enseignant venait à se durcir dans les années à venir, il serait intéressant d’observer les répercussions que cela aurait sur les tendances actuelles, telles que l’augmentation du nombre de nouvelles personnes diplômées pour enseigner, l’augmentation du nombre de personnes issues d’autres secteurs et sans diplôme d’enseignement, le taux de départs au sein du personnel enseignant ou le nombre élevé de temps très partiels... Il sera également passionnant et essentiel de voir si, d’ici une dizaine d’années, les cycles périodiques de pénurie et d’abondance d’enseignantes et enseignants, qui se répètent depuis plus de cent ans, pourront être interrompus grâce aux scénarios de l’OFS. 

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